Les cépages oubliés de la Bretagne : une histoire de terroirs et d’oubli
18/03/2025
Le vin en Bretagne : un passé qu’on ne soupçonne pas
Quand on pense aux grandes régions viticoles françaises, on évoque rapidement Bordeaux, la Bourgogne ou encore la Vallée de la Loire. La Bretagne, elle, n’apparaît guère sur cette carte du vin contemporain. Mais il fut un temps où elle jouait bel et bien un rôle important dans la production de vin, en particulier au Moyen Âge et jusqu’au début de l’époque moderne.
Historiquement, la viticulture bretonne a prospéré grâce à des facteurs économiques et climatiques favorables. Les échanges commerciaux entre la Bretagne et d’autres régions françaises mais aussi avec l’Angleterre ont créé une demande constante pour les vins bretons. À cette époque, des vignobles s’étendaient principalement dans deux zones géographiques spécifiques : autour de Nantes (l'actuel Muscadet) et aux bords de rivières comme la Vilaine et l’Oust, tout près des grands monastères et ports de commerce.
Quels étaient les cépages historiques cultivés en Bretagne ?
Quand on parle des cépages historiques bretons, ce sont surtout des variétés héritées de traditions anciennes et parfaitement adaptées au climat de l’époque. Voici quelques-uns des incontournables :
- Le plant vernaccia : Appelé aussi « plant breton » par certains documents historiques, il a longtemps été cultivé dans la région de Nantes durant le Moyen Âge.
- Le cabernet franc : Bien connu aujourd’hui pour sa renommée en Loire, ce cépage poussait également dans certaines parcelles bretonnes avant que la viticulture ne décline.
- Le vin blanc fromenteau : Variante régionale d’un cépage plus répandu sur le territoire. Très apprécié dans les breuvages ligériens, il existait quelques exploitations au nord du Duché de Bretagne.
Des recherches menées par des historiens agricoles locaux, notamment à travers des archives, évoquent également des cépages oubliés, parfois spécifiques à de petites zones. Certaines de ces variétés sont aujourd’hui impossibles à identifier avec certitude, faute de traces génétiques ou écrites claires.
Les raisons de la disparition des vignes bretonnes
Passons maintenant à la question cruciale : pourquoi ce riche passé a-t-il disparu ? Plusieurs facteurs, à la fois climatiques, économiques et politiques, peuvent expliquer cette lente érosion du patrimoine viticole breton :
1. Les fluctuations climatiques
Si l’on considère l’histoire du climat européen, on remarque que la période favorable au développement des vignes bretonnes correspond principalement à ce que l’on appelle l’« optimum climatique médiéval » (environ de 900 à 1300). À cette époque, les conditions étaient plus douces qu’aux siècles suivants. Cependant, la « petite ère glaciaire » (du XIVe au XIXe siècle) a drastiquement refroidi les températures et précipité l’abandon de nombreuses exploitations.
2. Une pression économique et sociale croissante
À partir du XVIIe siècle, les échanges commerciaux s’intensifient et la Bretagne se spécialise dans des produits plus rentables : les céréales, le chanvre ou encore le cidre, plus adaptés au climat et aux sols granitiques bretons. En parallèle, d’autres régions viticoles françaises (notamment Bordeaux) s’affirment sur le marché international, reléguant les vins bretons à l’arrière-plan.
3. Le phylloxéra et les maladies de la vigne
Bien que les vignes bretonnes aient connu un lent déclin avant même l’arrivée du phylloxéra, ce redoutable ravageur au XIXe siècle a achevé de compromettre les dernières cultures encore existantes. À la suite de cette épidémie, peu d'efforts ont été faits pour replanter les cépages régionaux, car la demande pour les vins bretons avait déjà considérablement chuté.
4. Des choix politiques déterminants
Dans les années qui ont suivi la Révolution française, les terres bretonnes viticoles, historiquement détenues par l’Église, sont redistribuées. Cela conduit à d’importants bouleversements dans l’usage des sols et à une forte réduction des parcelles vinicoles. Les mentalités de l’époque considéraient aussi le cidre comme le produit phare breton—moins cher, plus facile à produire et plus en phase avec les habitudes de consommation locales.
Un renouveau timide mais passionnant pour les vignes bretonnes
Ce qui a presque disparu n’est jamais totalement oublié… Depuis quelques décennies, des passionnés tentent de relancer une viticulture bretonne, mais dans une optique différente, écologique et respectueuse du terroir. Les projets restent modestes mais prometteurs :
- À Saffré, en Loire-Atlantique, le vigneron Philippe Gilbert recherche et replante des parcelles historiquement viticoles.
- Sur la presqu’île de Guérande, on teste des cépages résistants pour des vins nature inspirés du passé.
- Enfin, de petits domaines comme celui d’Arnaud Ducoin se penchent sur l’idée d’éco-vierges, des vignes sans pesticides en zone humide.
Ces initiatives montrent une revitalisation timide mais sincère. Si ces nouvelles plantations s’adaptent souvent aux cépages modernes et hybrides, l’esprit d’innovation et de transmission du terroir, lui, est bien présent.
L’appel d’une histoire viticole à réécrire
La Bretagne, avec ses sols variés et son exposition au climat océanique, conserve un potentiel viticole longtemps mis de côté. Réapprendre à lire cette histoire oubliée, c’est non seulement redonner vie aux cépages d’antan, mais aussi participer à la grande aventure du bio et des circuits courts—des valeurs qui me sont chères et qui, j’en suis sûr, te parlent aussi. Alors, peut-être qu’un jour, on trinquera tous ensemble avec un bon verre de vin breton, chargé d'histoire et de goût. Santé !